15.1.04

Introduction: Il existe - et a existé - plusieurs sortes d’Occidentaux « africanophiles », d’individus qui, au cours de l’histoire, se sont pris de passion pour ce continent vaste et extrêmement divers. Mais, rares sont ceux qui, malgré cette passion, ont véritablement considéré l’Afrique comme un continent majeur, avec lequel peuvent se tisser des relations d’égalité.
Il y eut d’abord les explorateurs fascinés par une Afrique aux paysages extraordinaires et aux populations si « étrangères ». L’image de l’explorateur écossais Mongo Park se noyant dans le Niger ou celle du voyageur René Caillié, revenant rongé par de multiples maladies de sa recherche obsessionnelle de Tombouctou, illustrent cette quête insatiable, ambiguë, et parfois mortelle.
Il y eut les anthropologues qui, notamment au XIXe siècle, allèrent étudier les populations d’Afrique, comme ils avaient observé et classé les habitants de leur propre pays. Sur le continent noir comme chez eux, ils cataloguèrent les personnes avec un mélange d’excitation scientifique et d’étonnement parfois malsain. Les anthropologues inventèrent l’admiration criminelle et firent en Afrique des dégâts considérables, puisque leurs travaux imprégnèrent parfois si profondément les esprits, qu’ils servirent de justification à des génocides perpétrés au XXe siècle (1). La classification des populations et les hiérarchies qu’ils établirent entre elles furent ainsi utilisées par ceux qui organisèrent le massacre d’environ un million de personnes (2) - en majorité des Tutsis - au Rwanda en 1994.
Il y eut ces grands administrateurs coloniaux que l’Afrique « attrapa » et qui s’y immergèrent, se mêlant aux populations, apprenant les langues autochtones, étudiant les cultures et qui, par la suite, accueillirent avec joie les indépendances aux tournants des années 1950 et 1960. Représentant d’un système de domination et d’exploitation (la colonisation), ils n’en eurent pas moins le plus grand respect pour les populations locales envers lesquelles les guidaient souvent un sentiment profond de fraternité. Comme Andrée Dore-Audibert (3), ils jugent encore aujourd’hui que le bilan de leur action dans l’administration coloniale est bon. Mais, conséquents avec eux-mêmes, ils furent, comme elle, des militants des indépendances et se mirent d’ailleurs parfois aux services des nouveaux Etats qui manquaient souvent cruellement de cadres.

Il y eut les tiers-mondistes dans les années 1960 et 1970. Militants associatifs ou politiques, ils soutinrent eux aussi les indépendances, luttèrent dans leur propre pays contre les guerres coloniales, se bâtirent pour le développement et pour un nouvel ordre économique international (NOEI). Leurs héritiers revendiquent aujourd’hui l’annulation de la dette des pays du Sud, ce crime contre la justice, cette imbécilité économique (4), qui étrangle ces pays en proie à la maladie et à la misère.
Il y eut - et il y a - ces innombrables chercheurs de toutes les disciplines, sociologues, géographes ou économistes, qui se fondirent, temporairement ou radicalement, dans les coutumes et les modes de vie de l’Afrique subsaharienne. De l’ethnologue Marcel Griaule au sociologue Georges Balandier, leur rigueur intellectuelle et leur passion illustrent ce que la rencontre entre les civilisations peut produire de plus beau dans l’histoire humaine (5).
Il y eut - et il y a - les organisations non gouvernementales (ONG) qui travaillent sur le terrain dans de multiples projets de développement, et d’assistance économique, sanitaire et sociale. Un bilan de leur action reste à faire, notamment du rôle qu’elles jouent dans le « monde mondialisé » où tout est instrumenté.
Il y eut - et il y a - les « africanophiles » « antidéveloppementistes » qui pensent qu’il faut précisément sortir d’une logique d’aide qui ne serait que la perpétuation de la domination historique. Le soutien provient en effet toujours des mêmes. « La main qui reçoit l’aide est toujours en dessous de celle qui la donne » aime ainsi à rappeler l’économiste français Serge Latouche. L’assistance ne serait alors que le nouvel habit de l’arrogance occidentale qui invente les maladies et leurs remèdes, fait les questions et les réponses. Chaque peuple doit trouver la voie qui est la sienne dans l’histoire ; les peuples d’Afrique comme les autres.

13.1.04

Futuribles: Au fil des siècles l'on s’est déplacé du registre de l’inerte vers celui du vivant, du registre des outils, simple prolongement de l’action humaine, vers celui des mécanismes inhérents à la vie. « On a pu, en quelque trois décennies, isoler, modifier et breveter des gènes, transgresser des frontières établies depuis des milliers d’années entre les espèces et les gènes […]. En moins de 25 ans, nous sommes en effet devenus la première génération de l’histoire à concevoir des êtres en pièces détachées, parfois à des kilomètres et à des années de distance, sans se voir ni se toucher […]. Nous sommes également devenus les tout premiers, dans cette étrange lutte contre la montre et contre nous-mêmes, à manipuler le génome des embryons pour les juger, les jauger, les trier, certains envisageant même d’en corriger les défauts, voire d’en modifier certaines caractéristiques en vue d’améliorer, disent-ils, l’espèce humaine...Comme si tout, des plantes à l’embryon, en passant par les vaches ou l’intelligence, n’était plus que flux d’informations à déchiffrer qui, grâce au langage combiné du numéraire, de la génétique et de l’informatique, permettraient à certains de bricoler les espèces et de recoder le monde...