23.11.08

Trois changements de paradigme
L’imagerie cérébrale a apporté un véritable changement de paradigme : la capacité à observer le cerveau en fonctionnement. Encore récemment, on ne pouvait faire que des études post mortem. Avec la possibilité d’étudier l’activité cérébrale grâce à une variété de moyens, la compréhension des phénomènes neuronaux prend un tout autre essor.Un deuxième changement de paradigme est associé cette fois aux sciences cognitives. Auparavant, il n’était possible d’étudier les comportements qu’en prenant le cerveau comme une boîte noire. Un stimulus à l’entrée devrait produire telle réaction. Mais il existe de nombreuses boucles de rétroactions dans les réseaux neuronaux. Mieux, l’activité cérébrale change le cerveau lui-même en créant de nouvelles synapses, de nouveaux neurones.Le cerveau a une extraordinaire plasticité qui lui permet de s’adapter aux événements. Mais la conséquence de cela est qu’un deuxième stimulus, identique au premier, ne produira pas le même résultat. Le développement de la simulation sur ordinateur de fonctions cognitives a donné la possibilité d’étudier l’intérieur de la boîte noire en permettant de comparer les résultats des fonctions simulées avec ceux des fonctions cérébrales. Le cognitivisme va plus loin encore en considérant que le cerveau n’est pas simplement simulable mais qu’il est également lui-même un système de traitement de l’information (une machine de Turing).Cette évolution rapide de la connaissance du cerveau et des fonctions cérébrales a permis de mieux comprendre non pas seulement un objet extérieur, comme cela a été l’objet principal de la science, mais d’étudier notre mode de pensée lui-même. La cognition réfléchie nous permet de nous comprendre nous-mêmes. La philosophie et la science, qui ont suivi un temps des chemins différents, pourraient de nouveau se rapprocher. Les sciences cognitives peuvent-elles apporter un fondement scientifique et même calculatoire de l’éthique et des systèmes de loi ? Une éthique cognitive ? Ce domaine de recherche est actuellement appliqué aux elfes, des automates virtuels qui nous aident dans notre vie ordinaire mais qui doivent aussi respecter des règles – par exemple, savoir &agr! ave; qui diffuser des informations sur la santé d’une personne. Au-delà de la compréhension, on peut également imaginer transformer l’homme lui-même : dans ses aptitudes physiques, ses perceptions, mais également dans ses facultés intellectuelles.Bien que le transhumanisme soit largement spéculatif, il est d’ores et déjà possible non seulement de réparer mais aussi d’augmenter certaines caractéristiques de l’homme. À terme, ces techniques pourraient conduire à des scissions de l’humanité en plusieurs groupes ayant des facultés physiques ou intellectuelles différentes.

. Ecrans.fr : Umberto Ecco, En arrière toute !
"Il y a des progrès technologiques au-delà desquels on ne peut pas aller. On ne peut pas inventer une cuillère mécanique, celle d’il y a deux mille ans fait encore très bien l’affaire. On a abandonné le Concorde qui pourtant faisait Paris-New York en trois heures. Je ne suis pas sûr qu’ils aient bien fait, mais le progrès peut aussi signifier faire deux pas en arrière, comme revenir à l’énergie éolienne au lieu du pétrole et des choses de ce genre. Soyez tendus vers le futur !"

Dans un récent billet sur son blog, Kelly revient en effet sur la possibilité que l’internet constitue un superorganisme : un être collectif “émergent” du comportement et des relations d’un groupe d’individus, à l’instar des fourmilières. Un superorganisme qu’il nomme la “Machine Unique” : “ce supermegaordinateur est le nuage de tous les nuages, le plus grand ensemble possible de processeurs en communication. C’est une vaste machine aux dimensions extraordinaires. Il est composé d’un billiard de transistors et consomme 5% de l’électricité de la planète. Il n’est (encore)! la propriété d’aucune corporation ni d’aucune nation, et il n’est pas réellement gouverné par les humains. Diverses sociétés dirigent les sous-nuages les plus importants, et c’est Google qui domine actuellement l’interface utilisateur de la Machine Unique.”
Enfin, le vivant ne peut se comprendre qu’en prenant en compte les différents niveaux d’échelle (molécule, cellule, organisme, écosystème) et leur influence les uns sur les autres. Ainsi, le fonctionnement d’une cellule est influencé par les macromolécules qui la constituent, mais aussi par la forme adoptée par les réseaux de molécules et par l’environnement de la cellule. Même si certains résultats dépendent principalement d’un seul niveau (biologie moléculaire, biologie des systèmes ou génétique des populations par exemple), d’autres nécessitent une articulation entre ces différentes influences. Ce cinquième changement de paradigme est le résultat des lois de la complexité

Ce que les nanotechnologies changent
Un premier changement de paradigme vient de la taille même des nanotechnologies. Elles sont du même ordre de grandeur que celui des macromolécules utilisées par le vivant, ce qui permet d’imaginer construire des objets aux fonctions similaires ou pouvant agir directement sur les cellules vivantes. De même, la maîtrise au niveau nanométrique permet de doter des matériaux de fonctions particulières. Par exemples, la longueur d’onde de la lumière visible étant de l’ordre de 400 à 700 nm, de nombreuses applications optiques deviennent possibles. Certaines particularités utilisées par les êtres vivants sont également dans ces ordres de grandeur, comme les poils de gecko – qui lui donnent une adhérence sur toutes les surfaces. La maîtrise des technologies &a! grave; des niveaux nanométriques devrait donc s’accompagner d’une explosion d’innovations dans des secteurs extrêmement variés (médecine, optique, matériaux, etc.).

Un deuxième changement de paradigme est soumis à notre capacité, encore hypothétique, de réaliser des nanosystèmes moléculaires et même atomiques. En atteignant une maîtrise au niveau des briques de base, il devient possible d’envisager une approche “bottom-up”, par assemblage, molécule par molécule ou atome par atome plutôt que par usinage. Cette inversion dans le mode de construction, si elle devient un jour possible, aurait des conséquences importantes dans notre maîtrise de la fabrication d’objets complexes. L’arrivée d’imprimantes 3D moléculaires ou atomiques aurait également un impact économique en rendant les objets matériels aisément duplicables comme le sont les biens matériels, offrant ainsi une éco! nomie de l’abondance (ce qui nécessiterait une révision profonde des modèles économiques sur lesquels se fondent le développement de nos sociétés). Enfin, une approche par agrégation, en cas de non-maîtrise, porte des risques de prolifération qui nourrisent les peurs face à l’arrivée de systèmes autoréplicateurs comme l’évoque Michael Crichton dans La Proie.