31.8.11

Des Etats-Unis tancés et privés de la note de meilleur élève de la classe (capitaliste) ; une Chine sollicitée pour renflouer les caisses et impulser la croissance mondiale. Même dans leurs rêves nationalistes les plus fous, les dirigeants chinois n’auraient pu imaginer plus spectaculaire basculement de l’histoire.

Ils ne se privent donc plus de donner des leçons à cette Amérique « qui doit soigner son addiction à la dette » (Xinhua, 7 août 2011). Et précisent que Pékin « a tous les droits d’exiger des Etats-Unis qu’ils s’attaquent à leur problème structurel ». Qui paye le bal mène la danse. Or la Chine se montre très généreuse : elle a accumulé en bons du Trésor américain 1 170 milliards de dollars, soit l’équivalent ou presque de la richesse annuelle produite par la Russie. Une arme financière qu’elle utilise politiquement, renvoyant les Occidentaux à leurs turpitudes.

On aurait tort de croire qu’à ce jeu elle est isolée. Dans la région, les souvenirs des mesures imposées en 1997-1998 par le Fonds monétaire international (FMI) restent vifs. L’ex-ambassadeur singapourien Kishore Mahbubani fait remarquer, non sans ironie : « Tous les conseils que les pays asiatiques ont reçus ont été ignorés par l’Occident (1). »Malgré des tensions territoriales en mer de Chine méridionale, les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Anase) ont donc, le 9 août, mis l’accent sur la complémentarité des économies asiatiques. Leur voisin est encombrant, voire arrogant ; mais, en cas de crise aggravée, il dispose de moyens sonnants et trébuchants.

30.8.11

7-«Certains conflits ne finiront jamais»

Il ne faut jamais dire jamais. En 2005, des chercheurs de l'Institut américain de la paix avaient caractérisé 14 guerres, de l'Irlande du Nord au Cachemire, comme «insolubles», c'est-à-dire «résistantes à n'importe quel type de règlement ou de résolution». Six ans plus tard, on note une chose assez amusante: la quasi totalité de ces guerres (à l'exception d'Israël/Palestine, de la Somalie et du Soudan) sont soit terminées, soit ont fait de substantiels progrès sur cette voie. Au Sri Lanka, une victoire militaire à mis fin au conflit, mais après une ultime offensive dans laquelle les deux camps ont très probablement commis des crimes de guerre. Au Cachemire, le cessez-le-feu semble assez stable. En Colombie, la guerre connaît quelques soubresauts, financés par les revenus de la drogue, mais le conflit est globalement terminé. Dans les Balkans et en Irlande du Nord, des traités de paix bancals ont réussi à se stabiliser; il est difficile de s'imaginer l'une ou l'autre de ces régions reprendre fermement le chemin des hostilités. Dans la plupart des cas africains – le Burundi, le Rwanda, la Sierra Leone, l'Ouganda, la République démocratique du Congo et la Côte d'Ivoire (exceptées les violentes échauffourées qui ont suivi les élections de 2010, mais qui sont aujourd'hui terminées) – les missions de l'ONU ont apporté de la stabilité, et ont rendu une reprise des combats moins probable (ou, du moins, au Congo et en Ouganda, ont réduit la zone de conflit).

Les variations de l'équilibre des puissances mondiales ne nous condamnent pas non plus à un avenir de guerre perpétuelle. Si certains politologues affirment qu'un monde de plus en plus multipolaire est aussi un monde de plus en plus instable – que la paix est mieux assurée par la prédominance d'une seule puissance hégémonique, les États-Unis pour ne pas les citer – l'histoire géopolitique récente suggère le contraire. Ces dix dernières années, la puissance relative des États-Unis et la prévalence des conflits se sont émoussés de concert. Les exceptions à cette tendance, l'Irak et l'Afghanistan, ont été des guerres mal conçues et portées par l'hégémonie, et non pas par le va-et-vient de nouvelles puissances. Le meilleur précédent historique à l'ordre mondial qui émerge actuellement pourrait se retrouver dans le Concert européen du XIXème siècle, une collaboration entre grandes puissances ayant largement contribué au maintien de la paix pendant un siècle, avant son délitement et la boucherie de la Première Guerre Mondiale.

Quid de la Chine, montrée du doigt comme la menace militaire la plus redoutable de l'époque actuelle? Pékin est effectivement en train de moderniser ses forces armées, poussant sa croissance à deux chiffres par d'énormes dépenses militaires, atteignant aujourd'hui les 100 milliards de dollars [70 milliards d'euros] par an. Ce sont les deuxièmes dépenses militaires les plus importantes du monde, derrière les États-Unis, mais loin derrière: le Pentagone dépense, lui, quasiment 700 milliards de dollars [490 milliards d'euros]. Non seulement la Chine est loin de pouvoir combattre les États-Unis à armes égales, mais rien ne dit qu'elle veuille le faire. Un conflit militaire (surtout contre son premier client et débiteur) rognerait sur la position commerciale de la Chine dans le monde, et mettrait ses possessions en danger. Depuis la mort du Président Mao, la Chine a été de loin la puissance la plus pacifique de son temps. En réponse à tous les récents tourments provoqués par les nouvelles manifestations de force de la Marine chinoise dans des eaux territoriales contestées, les militaires chinois n'ont pas tiré un seul coup de feu belliqueux depuis 25 ans. 

2-«L’Amérique livre aujourd'hui plus de guerres que jamais».

Oui et non. Les États-Unis sont clairement sur le pied de guerre depuis le 11 septembre 2001, avec une offensive toujours en cours en Afghanistan, qui a dépassé la Guerre du Vietnam au rang du conflit le plus long de toute l'histoire de l'Amérique, et une guerre préventive en Irak qui s'est révélée plus longue, plus sanglante et plus chère que tout ce qu'on avait pu prévoir. Ajoutez l'actuelle intervention de l'OTAN en Libye, et les tirs de drones au Pakistan, en Somalie et au Yémen, et on comprend aisément pourquoi les dépenses militaires américaines ont augmenté de plus de 80%, en termes réels, ces dix dernières années. Avec 675 milliards de dollars cette année [470 milliards d'euros], elles ont dépassé de 30% les sommes de la fin de la Guerre Froide.

1-«Le monde d'aujourd'hui est plus violent qu'avant»

Absolument pas. Le début du XXIème siècle semble saturé de guerres: les conflits en Afghanistan et en Irak, la guerre civile en Somalie, les insurrections islamistes au Pakistan, les massacres au Congo, les assauts génocidaires au Soudan. Si on fait le compte des conflits réguliers, ce sont 18 guerres qui se déroulent actuellement aujourd'hui, à travers le globe. Cette impression d'un monde plus dangereux aujourd'hui qu'hier se retrouve dans l'opinion publique: selon un sondage, il y a quelques années, 60% des Américains pensaient probable la survenue d'une troisième guerre mondiale.  Les prévisions pour le siècle nouveau étaient sinistres bien avant le 11 septembre 2001, et ses lendemains sanglants: le politologue James G. Blight et l'ancien Secrétaire de la défense américaine, Robert McNamara, avaient estimé au début de cette année qu'en moyenne et par an, on allait dénombrer dans le monde 3 millions de morts dûes à la guerre au XXIème siècle.

Pour l'instant, ils sont loin d'avoir vu juste. En réalité, la dernière décennieest plus pauvre en morts de guerre que n'importe quelle autre décennie de ces 100 dernières années, selon des données collectées par les chercheurs Bethany Lacina et Nils Petter Gleditsch, de l'Institut de recherche sur la paix d'OsloDans le monde, le nombre de morts causées directement par des violences guerrières, au XXIème, atteint une moyenne d’environ 55 000 par an, soit un peu plus de la moitié du chiffre des années 1990 (100 000), le tiers de celui de la Guerre Froide (180 000 par an, entre 1950 et 1989), et le centième de celui de la Seconde Guerre Mondiale. Si vous rapportez cela à l'évolution de la population mondiale, qui a quasiment quadruplé depuis le siècle dernier, ce déclin est encore plus sensible. Loin d'être une époque d'anarchie meurtrière, les 20 années qui ont suivi la fin de la Guerre Froide ont vu s'accélérer les progrès vers la paix.

Les conflits armés ont diminué, en grande partie, parce que les conflits armés ont fondamentalement changé. Les guerres opposant de grandes armées nationales ont disparu avec la Guerre Froide, emportant avec elles les parangons les plus horribles de la destruction de masse. Les guérillas actuelles et asymétriques ont beau être souvent insolubles et barbares, elles n'entraîneront jamais quelque-chose de comparable au siège de Leningrad. Le dernier conflit entre deux grandes puissances, la Guerre de Corée, s'est terminé voici de cela quasiment 60 ans. La dernière guerre de territoire soutenue, entre deux armées régulières, a opposé l’Éthiopie et l’Érythrée et s'est terminée depuis une dizaine d'années. Même les guerres civiles, qui demeurent un mal tenace, sont moins courantes que par le passé; en 2007, elles avaient diminué d'environ un quart par rapport à 1990.

Si le monde semble plus violent qu'il ne l'est réellement, c'est parce que nous recevons davantage d'informations sur les guerres – et pas que les guerres sont, en soi, plus nombreuses. Des batailles et des crimes de guerre autrefois distants occupent aujourd'hui, très souvent, nos écrans de télé et d'ordinateurs, et y arrivent plus ou moins en temps réel. Les appareils-photos des téléphones portables ont transformé les habitants des zones de guerres en reporters. Les normes sociétales sur ce qu'il faut faire de ces informations ont elles aussi changé. Comme l'a remarqué le psychologue Steven Pinker, de l'Université de Harvard «Le déclin des comportements violents a répondu au déclin des attitudes tolérant ou glorifiant la violence», et les atrocités actuelles – relativement modérées, comparées à d'autres moments de l'histoire – nous semblent «bien plus signifier les bas-fonds que nos comportements peuvent atteindre que les hauteurs vers lesquelles nos normes se sont élevées».

«Explosion de l’ère industrielle, raconte Georges Foveau, les frères Lumière - dont le nom même évoque l’image prométhéenne d’une torche avec le feu - se disent: “On va créer une forme artistique donnant l’illusion de la vie en enfermant des spectateurs dans des salles obscures face à des images animées avec de la lumière”. De manière étonnante, on a là la même démarche que celle des hommes des cavernes”. Il était inévitable que le cinéma devienne l'une des formes d’expression les plus en accord avec le thème du chamanisme. 

L’art même est né dans l’humanité grâce au chamanisme, dit-il : «C’était la religion primordiale de l’humanité. Si on se penche sur les peintures rupestres qui sont les premières formes d’expression artistique de l’espèce humaine, que ce soient les mains sur les parois des grottes ou les silhouettes d’animaux dessinées ou gravées, elles ont été faites dans le fait d’invoquer les âmes, d’amadouer les esprits des prédateurs et du gibier, pour pouvoir exercer un pouvoir sur le réel à partir d’une image. Ce que l’on sait aussi, c’est que ces images se trouvaient dans des lieux profonds, sombres, où les hommes descendaient avec des torches guidés par le chaman et que ces images, sous l’influence de la prière et du jeu des flammes sur les parois, prenaient vie”.