2.3.12

L'événement est passé presque inaperçu mais il marque un véritable basculement dans l'évolution vers la société numérique : en 2011, pour la première fois, le nombre de smartphones vendus dans le monde a largement dépassé celui des PC, soit 488 millions de mobiles "intelligents" contre 414 millions d'ordinateurs individuels. Dans cette bataille techno-économique planétaire, Apple devance encore de justesse son grand rival, le coréen Samsung, avec 93 millions d'appareils, contre 92 millions. Autre indicateur, les ventes mondiales de smartphones ont progressé de 60 %, contre seulement 15 % pour les ordinateurs personnels et cela malgré la montée en puissance des tablettes tactiles (63 millions d'exemplaires vendus en 2011).

A présent, on compte plus de connexions à l'Internet et d'envois de courriels à partir de smartphones que depuis des PC ou ordinateurs portables. La prochaine étape de cette évolution pourrait bien être celle préparée par la firme Canonical, qui a développé un système d'exploitation baptisé Ubuntu pour Android. Ubuntu, s'appuyant sur l'augmentation vertigineuse de la puissance de calcul et de stockage de nos smartphones, est persuadé que l'avenir appartient à un système modulaire intégrant nos mobiles, nos portables et la télévision numérique connecté au Web.

28.2.12

Dans Critique des nouvelles servitudes, un collectif d’auteur, sous la houlette du philosophe Yves Charles Zarka, se regroupait autour d’un même constat : « La figure du maître a changé : ce n’est plus un maître personnel, un tyran, qui tiendrait sous son pouvoir une multitude effrayée, mais un maître anonyme, sans visage et sans nom propre qui, par de nouvelles voies (processus, consensus, production d’idéaux ou de croyances, etc.), instaure une domination d’un nouveau genre et de nouvelles servitudes (8). » Les auteurs s’employaient à appliquer l’idée de nouvelles servitudes à la sexualité, l’entreprise ou la consommation de masse 

Les premières études sur la soumission volontaire datent d’une époque où le mot « autorité » à un sens : le pouvoir était fort, l’autorité légitime. Ce pouvoir était alors représenté par des institutions comme l’Etat, l’armée, l’Eglise, ou même la science dont la légitimité n’était guère contestée (5). 

Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Depuis quelques décennies déjà, sociologues et philosophes s’accordent pour diagnostiquer un « déclin de l’autorité » dans nos sociétés. Dans la famille, l’entreprise, à l’école, le mouvement de démocratisation a fait son œuvre et sapé les bases des anciennes hiérarchies. Nous sommes censés vivre dans une société où les individus seraient bien plus libres et autonomes que leurs aînés. Dans ce contexte, la soumission volontaire devrait logiquement s’estomper et disparaître (6) pour ne laisser place qu’à la soumission contrainte : celle qui résulte des obligations qui pèsent sur nos vies : respecter les lois, faire des études, gagner de l’argent, etc.

Les foules se soumettent aux dieux, aux idoles, aux groupes parce qu’elles partagent un amour commun pour un chef, ou un idéal. Les racines psychologiques de la soumission que l’on retrouve dans l’armée ou l’Eglise sont du même ordre que l’amour de l’enfant pour ses parents ou que celui d’un amant. L’amour est une sorte d’ensorcellement où l’individu perd un peu de son moi pour s’adonner à l’autre. La psychologie de la soumission est donc une psychologie de l’amour. A l’échelle de l’individu, il permet de fonder un couple. A l’échelle du groupe, il peut fonder une communauté. C’est donc dans les tréfonds de l’inconscient qu’il faut chercher la source de la soumission. Et cette source à un nom : l’amour. Celui que le chien porte à son maître, l’enfant à ses parents, le croyant à son dieu et, parfois, l’esclave à son maître.

Quand on aborde l’épineux mystère de la soumission consentie, la première référence est l’incontournable Discours de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie (1530-1563). Le point de départ est le même que celui de son contemporain Machiavel : dévoiler les sources du pouvoir. Mais plutôt que de se situer du point de vue du prince, La Boétie se place du point de vue du peuple. Au départ, cette énigme : d’où vient que les hommes acceptent d’obéir à un maître, qui est parfois un tyran ? Pour La Boétie, il est clair que la domination politique et l’esclavage ne sont en rien naturels. De plus, le peuple, par son nombre et par sa force, possède la capacité de renverser tous les pouvoirs. Dès lors, comment comprendre la soumission à l’autorité ?

La Boétie évoque plusieurs raisons : d’abord la coutume et les habitudes qui font croire aux hommes que leur condition est « naturelle », que les choses sont ainsi et que l’on n’y peut rien. S’y ajoute toute une série d’autres mécanismes d’assujettissement : l’admiration pour le chef, pour ses insignes de pouvoir, mais aussi la résignation et la passivité. Il y aurait donc bien une part de responsabilité du peuple dans sa propre sujétion, une servitude volontaire. La Boétie souligne un autre point essentiel : le maître sait diviser pour régner. Le tyran saura toujours user des divisions internes au peuple ; de même, il saura accorder à certains des privilèges et des parcelles de son pouvoir. En multipliant les niveaux hiérarchiques et les faveurs, il s’assure des clients, des partisans et des courtisans. Voilà un autre point essentiel : se soumettre à la loi du prince peut aussi procurer des avantages…

26.2.12

« La sexualité a-t-elle un avenir ? », se demandaient hier encore quelques philosophes et scientifiques, réunis en colloque. L'absurdité de la question n’est qu’apparente. Si l’homme utilise la reproduction sexuelle pour exister, des perspectives encore théoriques suggèrent que, dans un futur proche, il pourra peut-être s’en passer. Cessera-t-il pour autant d’avoir une sexualité ?

Probablement pas, car tous les savoirs modernes sur la question l’affirment : la pulsion sexuelle obéit à bien d’autres appels qu’à celui de la survie de l’espèce, et témoigne, par les actes qu’elle induit, d’une grande diversité d’objets, de formes et de sens. Quelques repères dans l’histoire des mœurs humaines, allant de l’Antiquité à nos jours, permettent de le montrer : en dépit de l’universalité des pratiques, ni leur signification ni les limites qu’on leur donne ne sont restées les mêmes. De la morale profane des anciens Romains aux règles modernes de l’hygiène des plaisirs en passant par la casuistique du péché chrétien, toutes les civilisations se sont mêlées d’encadrer l’acte sexuel par des règles, voire par des lois puisées dans la nature des choses et des hommes.