23.6.05

InternetActu.net : Nous vivons des révolutions dont on ne se rendra compte que bien plus tard. En dix ans, nous sommes par exemple passés de 800 chaînes de télévision dans le monde à 12 500, et l’on anticipe la création d’environ 25 000 nouvelles chaînes. La rupture de croissance liée au numérique est d’une importance comparable à celle qu’a introduit l’imprimerie.
InternetActu.net :On en est là dans les NTIC : après une phase centrée sur la technologie, nous entrons dans la phase de synthèse créative. Les technologies de l’information ne sont pas nées d’hier, l’ordinateur date des années 1940. Elles ne se résument pas à l’internet : on dénombre environ 25 champs technologiques en évolution ultra-rapide, pour lesquels on peut anticiper des gains d’un facteur mille à un million : le stockage d’informations, la rapidité d’accès à l’information, les télécoms fixes et mobiles à haut débit, la gestion des données et les moteurs de recherche, l’interconnexion des réseaux, les objets communicants (une révolution de la taille de l’internet), le positionnement dans l’espace-temps (GPS, Galileo, horloge atomique), les échanges voix-texte (synthèse, reconnaissance…), les systèmes experts, le traitement du contenu et du sens, l’image de synthèse, etc.

Ces changements d’ordre de grandeur ouvrent des univers de possibilités auxquelles on ne pouvait même pas penser auparavant. Mais l’innovation ne réside pas dans chacune de ces progressions technologiques, plutôt dans leur rassemblement au service d’une idée, une synthèse créative.
InternetActu.net : Quand on analyse les grandes vagues d’innovation de l’histoire, les courbes se ressemblent. Tout commence par une révolution scientifique, qui débouche sur des technologies nouvelles : pendant une période on ne parle que de technique. La synthèse créative ne vient qu’après : il faut que la société intègre ces techniques, que les artistes, les ingénieurs, les entrepreneurs maîtrisent ces techniques.
A la Renaissance, d’où provient l’approche occidentale de l’innovation et qui conclut 1500 ans d’avance chinoise dans l’innovation, on n’a pas seulement une révolution scientifique : c’est à ce moment qu’apparaissent le capital-risque (les banquiers lombards), le brevet d’invention (à Florence et Venise). Les réseaux bancaires, l’éducation, bref tous les “codes” modernes, se mettent en place presque simultanément. Pourtant dans les coupoles de Florence on ne voit pas les mathématiques, ni le calcul de structure, ni la modélisation 3D, toutes choses qui sont pourtant présentes – on ne voit que la synthèse créative.
InternetActu.net :De ce point de vue, il faut souligner que, contrairement à ce que l’on affirme souvent, le délai entre une découverte et son application sur un marché ne se raccourcit pas beaucoup. Un long travail souterrain est nécessaire entre le travail scientifique et la synthèse créative. Le laser est inventé en 1958 – et il constitue déjà une synthèse créative entre plusieurs technologies elles-mêmes vieilles de plusieurs années. Immédiatement l’on imagine les applications les plus folles, notamment militaires, au point que les chercheurs terrifiés arrêtent leur travail ! 14 plus tard, en 1972, Le Monde relate un colloque du CNRS sur le laser sous le titre “Laser à quoi ? Laser à rien“. Le laser semble promis au sort des inventions sans la moindre utilité. Il faut attendre le début des années 1980 pour voir vraiment le laser décoller : guidage laser, imprimantes laser, chirurgie laser, puis généralisation, par exemple dans les lecteurs optiques. Encore aujourd’hui, 5% à 10% des innovations industrielles utilisent le laser.
InternetActu.net : La définition classique de l’innovation dit : “intégrer le meilleur des connaissances dans un produit créatif qui permet d’aller plus loin dans la satisfaction des individus.” Mais l’état des connaissances évolue extrêmement vite. Environ 10 millions de scientifiques sont payés pour le faire progresser ; 15 000 articles scientifiques paraissent chaque jour ! Mais ils ne produisent que des briques à partir desquelles se réalisent les synthèses créatives : d’une part, on peut combiner les technologies de manières multiples et d’autre part, on ne peut plus intégrer tout l’état des connaissances. Par conséquent la synthèse créative est l’une des choses les plus difficiles aujourd’hui.