21.12.08

Alors, comment ouvrir ce débat au plus grand nombre ? Michel Serres utilise l’image de la dépose par hélicoptère : « Voilà, je suis montagnard, ça a été une des grandes passions de ma vie. J’ai donc fait mille et une courses avec toujours le même guide, ou à peu près, et je connais assez bien le métier de guide de haute montagne. Ces guides, je les admire beaucoup. Ce sont des gens qui connaissent vraiment la montagne. […] Alors vous montez en montagne, vous faites une course de dix-neuf heures – ça peut arriver – avec bivouac, et, stupéfait, vous trouvez au sommet une équipe de cinéastes en train de tourner des images sur la chaîne des sommets, la vallée, et qui sont déposés là par hélicoptère. Bon alors vous dites : c’est des jean-foutre ! Mais on ne tranche pas cette question si aisément, parce que ces gens-là se sont fait déposer par hélicoptère sur trois cents sommets du monde alors que moi je n’ai fait que trois sommets dans l’Himalaya. Et tout d’un coup, qui connaît le mieux la montagne ? Celui qui s’est fait déposer par hélicoptère ou moi ? » L’expertise de celui qui s’est fait déposer par hélicoptère ne lui permet certes pas de gravir les montagnes, mais elle lui donne une vue d’ensemble. C’est sans doute ce dont nous avons le plus besoin pour débattre sur le futur que
nous désirons pour notre monde et notre société.
L’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke a proposé des lois dont la troisième, la plus connue, s’énonce ainsi : « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. » Nous l’avons constaté dans l’introduction de cet ouvrage, où nous avons montré quelques liens entre deux mondes : le monde magique du roman Harry Potter de J.K. Rowling et l’univers technologique des chercheurs dans les laboratoires. Mais les autres lois de Clarke présentent également leur intérêt. Ainsi, la deuxième dit que « la seule façon de découvrir les limites du possible, c’est de s’aventurer un peu au-delà dans l’impossible ». Tout au long des chapitres précédents, nous avons rencontré les projets ambitieux de scientifiques. Se réaliseront-ils à plus ou moins longue échéance ou bien resteront-ils à jamais des fantasmes ? De multiples débats existent sur notre capacité à créer des objets atome par atome, sur la possibilité de
réaliser une cellule complète vivante synthétique ou encore sur le téléchargement d’un esprit humain dans un ordinateur. Arthur Clarke va encore plus loin avec sa première loi : « Quand un savant distingué mais vieillissant estime que quelque chose est possible, il a presque certainement raison, mais lorsqu’il déclare que quelque chose est impossible, il
a très probablement tort. »

Qu’est-ce que l’éthique ?

L’éthique se donne pour but de dire comment les hommes doivent se comporter. Elle vient du grec ethos qui signifie moeurs, habitudes. La morale vient du terme mores (moeurs en latin). Ce mot a souvent mauvaise presse, comme l’illustre la connotation négative de l’expression « faire la morale ». Elle peut être fondée par une religion, un système idéologique, mais aussi par un ensemble de choix rationnels basés sur la tradition ou la culture.

L’éthique et la morale recouvriraient donc des domaines similaires, l’utilisation du premier mot permettant de faire oublier la connotation « moralisatrice » du deuxième. Plus récemment, des auteurs ont utilisé les deux termes pour distinguer des approches différentes.

Edgar Morin utilise le terme « morale » « pour nous situer au niveau de la décision et de l’action des individus » alors que l’éthique s’intéresse à ce qui est bien pour un individu, une espèce ou une société. Pour Suzanne Rameix, « nous nous heurtons à des conflits de biens contradictoires : c’est entre plusieurs biens qu’il faut choisir, et non pas entre le bien et le mal […] Toutes ces questions conduisent à des conflits de devoir. » L’abandon de la notion de bien absolu conduit donc à des conflits dont la résolution – comme nous l’avons vu précédemment – nécessite une position qui fait appel à des capacités cognitives différentes, la pensée-2.