5.8.10

"La société où nous passerons le reste de notre vie est devenue un bolide dont la portée des phares diminuerait en proportion de son accélération." En d'autres termes, une société dont le passé est rétréci et le futur, invisible.

3.8.10

Paul Thagard, bien qu'affirmant tranquillement ce qui, pour lui (et pour nous) représente une évidence, ne se dissimule pas que ce faisant il se heurtera à la très grande majorité de ses lecteurs. Ceux-ci, pour des raisons qui sont d'ailleurs explicables en termes évolutionnistes, disposent encore de cerveaux qui sont formatés pour, à la moindre difficulté de compréhension, évoquer des causes cachées. Le plus matérialiste d'entre nous doit lui-même combattre le retour en lui de superstitions ancestrales dès que l'incertain et l'aléatoire propres au monde matériel se manifestent. Paul Thagard semble convaincu cependant que les sciences modernes, en multipliant les analyses et les expérimentations, en faisant notamment appel aux techniques en plein développement des neurosciences, permettront l'augmentation du nombre des personnes adoptant, fut-ce sur un plan seulement philosophique, les méthodes de la rationalité scientifique.

si on veut être un activiste ou un engagé "moderne", il faut pouvoir "comprendre le monde", dans ses dimensions économiques, politiques et humaines.

CJ : D'où nous est venue cette dissociation d'avec la nature ?
JPG : Cette dissociation est apparue lorsque l'agriculture fut inventée et lorsque les religions monothéistes ont été mises en place. On a alors assisté à une sacralisation de l'homme et à une sortie de "l'humain" de la nature. Et cette coupure, le fait que l'on ne soit plus viscéralement, cosmiquement proche avec cette nature, induit que même dans notre façon de poser les problèmes environnementaux, nous nous dissocions de notre environnement. 

Il s'avère que les systèmes évoqués sont trop complexes pour être compris et plus encore pour être gérés par des personnes individuelles. Néanmoins, c'est à celles-ci que la société demande d'évaluer les risques de défaillance et de prévoir les mesures destinées à les prévenir.

Placés devant de telles responsabilités, les humains en question, fussent-ils très entraînés et motivés, révèlent des faiblesses que nous pourrions dire congénitales. Ils ont d'abord le plus grand mal à imaginer que de petites pannes puissent s'accumuler et survenir simultanément en provoquant des désastres systémiques de grande ampleur. Par ailleurs, ils s'habituent très vite aux risques potentiels pouvant provenir de petits défauts. Si rien ne s'est produit jusqu'à ce jour, pourquoi cela surviendrait-il demain ?

De plus, ils accordent une foi illimitée aux systèmes de protection et de back up, même si ceux-ci n'ont jamais été testés en vraie grandeur. 

 Ainsi on ne peut comprendre comment fonctionne le cerveau si l'on s'en tient à l'étude des cellules individuelles qui le composenti, c'est-à-dire les neurones. Il en est de même concernant l'étude des organismes plus complets, tels que le corps tout entier.

Certes celui-ci est constitué d'organes aux cellules spécialisées dont il faut connaître évidemment les différences et les rôles spécifiques, mais le fonctionnement global du corps ne peut se déduire du fonctionnement de chacun de ses organes et moins encore de celui de chacune des cellules participant au fonctionnement de ces organes. C'est là un des fondements de ce que l'on a nommé la physiologie intégrative(1). A un niveau plus élevé, le fonctionnement d'un groupe d'animaux ne peut se déduire de celui des individus composant ce groupe. Il résulte d'une relation holistique s'établissant entre ces individus, et pouvant prendre la forme de comportements globaux et de cultures spécifiques.