23.9.13

Les mécanismes traditionnels de la motivation au travail. Pendant des décennies, on a géré la motivation par un échange entre le travail accompli et les récompenses. Frederick Taylor l’avait très bien expliqué : pour motiver un ouvrier à adopter une méthode de travail plus efficace, il suffisait, pensait-il, de lui promettre un « petit » avantage financier. Ce qui suppose une motivation fondée sur les récompenses externes, c’est-à-dire sur un échange entre le travail accompli et un avantage matériel. Mais gérer des récompenses externes devient de plus en plus difficile dans le monde du travail actuel pour toutes sortes de raisons. Ainsi, mesurer objectivement le mérite individuel n’est pas possible chaque fois que le travail se fait en équipe. Et l’évaluation est subjective pour les métiers de service, alors qu’ils constituent actuellement la majorité des emplois dans les pays développés. Or le recours à des évaluations subjectives est toujours contestable. On en connaît bien les imperfections : l’accord entre les notateurs est faible, la prudence les pousse à utiliser des notes moyennes, les notes sont stables d’une année à l’autre et souvent régies par des contraintes négociées… Même si la récompense financière reste centrale, si la majorité des travailleurs accordent une grande importance aux salaires, primes et autres avantages, sa base n’est plus toujours opérationnelle. À cela s’ajoute une évolution profonde des conditions de travail qui contribue à faire perdre le sentiment d’être compétent et de jouer un rôle bien identifié et valorisant dans l’activité économique. Dans le travail en équipe, il devient en effet, plus difficile d’identifier la valeur de sa contribution ; la hiérarchie connaît mal le détail des compétences de ses subordonnés ; le travail fait moins appel aux connaissances individuelles et plus aux ressources informatiques, moins aux habiletés manuelles développées par l’apprentissage et plus au fonctionnement cognitif. « L’orgueil » de son métier et de son savoir-faire, fondé sur une réalisation identifiable par soi et par les autres, se fait ainsi de plus en plus rare.

La technique « d’utilisation de la science » a été théorisée par John Hill, un grand communicant américain. Les industriels de la cigarette l’ont appelé au secours en 1953, au moment où sont publiés les premiers travaux scientifiques sur le lien entre cigarette et cancer. Suite à une réunion de crise [1], John Hill rédige un petit mémo, dans lequel il dit en substance : « La science est un outil très puissant, dans lequel les gens ont confiance. On ne peut pas l’attaquer frontalement. Il faut procéder autrement. En fait, il faut faire de la science, l’orienter, la mettre à notre main ». John Hill propose notamment la création d’un organe commun aux géants de la cigarette, pour financer la recherche académique, menée au sein de laboratoires universitaires par exemple. Des centaines de millions de dollars seront injectés dans la recherche via cet organe. Pour financer des études qui concluent à l’absence de danger du tabac, mais pas seulement. Ils ont par exemple beaucoup financé la recherche en génétique fonctionnelle, qui décortique les mécanismes moléculaires dans le déclenchement des maladies.