27.10.12

A l’heure actuelle, le litre de carburant d’algue coûte encore dix fois plus cher que le pétrole mais cette situation pourrait évoluer plus vite que prévu car le prix du baril de brut ne pourra que grimper inexorablement sous le double effet de l’épuisement des ressources physiques et de l’augmentation de la demande mondiale. Dans le même temps, le coût de production du baril d’algocarburant va fortement diminuer à mesure que la technologie de production progressera et les deux courbes pourraient bien se croiser avant une dizaine d’années…

Mais l’exploitation énergétique à grande échelle des algues n’aura de sens que si elle rentre dans le cadre d’une chaîne industrielle qui ne se limite pas à l’énergie mais intègre également l’alimentation humaine et animale, les médicaments, les cosmétiques et les technologies écologiques de dépollution des eaux. C’est donc bien une nouvelle économie qui est à imaginer et à bâtir.

Les micro-algues pourraient devenir le moteur d’une révolution technologique, énergétique et industrielle pour cinq raisons essentielles.

D’abord, contrairement aux biocarburants de première génération (maïs, palme, colza), les algues peuvent être cultivées sur des terres impropres à la production agricole qui n’entrent en compétition ni avec l’élevage, ni avec des cultures vivrières.

Deuxième raison : ces micro-organismes peuvent parfaitement proliférer dans des eaux saumâtres ou usées. Leur production de masse devrait donc avoir un impact limité sur les ressources en eau douce de la planète qui, il faut le rappeler, sont déjà consacrées pour les trois quarts à l’agriculture et à l’élevage.

La troisième raison, nous l’avons déjà évoquée, c’est le rendement sans équivalent de cette « algoculture ». Selon les experts, un hectare d’algues, après une sélection génétique judicieuse, pourrait fournir au moins 25 000 litres d'huile, bien plus que le colza, environ 1500 litres, le tournesol, environ 1000 litres et le soja, environ 500 litres. Avec un tel rendement, il suffirait d'affecter l’équivalent d’à peine 1 % de la surface de la France à la production d'algues pour couvrir l’ensemble de la demande de carburants dans notre pays.

La quatrième raison n’est pas souvent mise en avant mais elle est pourtant décisive : en consommant des énergies fossiles présentes dans le sous-sol depuis des centaines de millions d’années, nous rejetons des quantités considérables de CO2 dans l’atmosphère (autour de 40 milliards de tonnes en 2012) et nous aggravons l’effet de serre responsable du réchauffement climatique. Les micro-algues ont au contraire besoin de consommer de grande quantité de CO2, qu’elles savent extraire directement de l’air, pour croître et se développer. La production et l’utilisation des différents biocarburants issus de ces algues seraient donc neutres en termes de bilan carbone. Par ailleurs, et cela n’est pas négligeable, ces algues n’ont pas besoin d’engrais chimiques et de pesticides pour se développer.

Enfin, dernière raison : on sait à présent tirer de certaines variétés de ces algues, des biocarburants très purs et à haut rendement énergétique dont l’emploi dans les transports pourrait améliorer les performances des moteurs et réduire en bout de chaîne la consommation et la pollution de nos véhicules thermiques.

On estime que 1,1 milliard de voitures circulaient dans le monde en 2012 et ce nombre devrait doubler d’ici 2040.

Pourtant, selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation mondiale de carburant pourrait être divisée par deux au cours de la même période mais à deux conditions : promouvoir massivement des véhicules propres et hybrides et développer parallèlement les biocarburants de nouvelle génération.

La secteur des transports, en plein essor, représente actuellement plus de 20 % de la consommation globale d'énergie dans le monde et L'AIE souligne dans ses derniers rapports que nous devons anticiper l’après-pétrole et qu’il est possible d’organiser cette transition en favorisant de grandes ruptures technologiques (Technology Roadmap: Fuel Economy of Road Vehicles) et en optant pour des politiques volontaristes en matière d’efficacité énergétique dans les transports (Policy Pathway: Improving the Fuel Economy of Road Vehicles).

25.10.12

. Steven Pinker : Le déclin de la violence – The Long Now
Steven Pinker est toujours stimulant pour secouer nos idées reçues. Dans cette conférence pour l’Institut Long Now, il revient sur la “longue paix”, en argumentant sur le fait que nos sociétés n’ont jamais été aussi peu violentes. On estime en effet que 15 % des hommes préhistoriques sont morts de morts violente, contre seulement 5,7 % des américains au XXe siècle… Et le taux serait même tombé à 0,03 % au XXIe siècle ! Plusieurs étapes expliquent cette évolution, dont la plus récente est la révolution pour droits qui fustige de plus en plus toute violence. Reste que si la violence est à la baisse, la peur de la violence elle demeure toujours très forte. La faute à nos peurs irrationnelles, estime Pinker.

Vers la généralisation des systèmes de transports autonomes

Les innovations dans les systèmes de navigation sans pilote sont peu à peu sorties du champ militaire. Ils commencent à équiper les flottes commerciales : Cummings indique que les derniers Airbus et Boeing pourraient être capables de se passer entièrement de pilote humain aussi bien pour le décollage, le vol que l’atterrissage. Les pilotes ne seraient bientôt plus utiles que pour garer l’avion, lorsqu’il se rend à son terminal de débarquement, une procédure qui n’est pas encore automatisable dans tous les aéroports du monde. Les flottes des transporteurs comme Fedex pourraient être les premiers à utiliser ces technologies dans un cadre civil : ils n’attendent plus qu’une autorisation de l’administration fédérale de l’aviation am&ea! cute;ricaine.

Mais il n’y a pas que dans l’aviation que les systèmes de navigation sans pilotes se déploient. De nombreux essais, projets voire dispositifs commerciaux sont en cours dans le secteur de l’agriculture avec des tracteurs sans pilote, mais également des drones pour surveiller les culturesou des hélicoptères sans pilote pour répandre des pesticides et engrais.

Joseph Stiglitz : Les inégalités regroupent trois évolutions différentes : en haut, l'enrichissement du 1 % les plus riches ; au milieu, l'étiolement de la classe moyenne ; en bas, la montée de la pauvreté. Pour ceux d'en haut, je pense que ce sont les comportements de rente et de monopoles qui jouent le rôle le plus important. Mais sur les gens du milieu, la mondialisation a davantage d'impact : les ouvriers américains se retrouvent de fait en concurrence avec des ouvriers chinois ou indiens, et cela tire leur salaire vers le bas.

Les Etats-Unis sont-ils devenus une société duale ?

Tout à fait. On peut le voir concrètement à New York, là où j'habite, et dans de nombreuses villes : l'élite vit sa vie et les autres habitants vivent dans un tout autre monde. Aucun des deux côtés ne peut comprendre combien les autres évoluent dans une société différente de la leur. C'est la réalité américaine d'aujourd'hui. Et elle pourrait être pire ! Dans certains pays d'Amérique latine, certaines personnes vivent dans des espaces fermés et se déplacent en voitures blindées. J'ai fait un voyage dans la région, un homme très fortuné y possède son propre club et son propre cinéma à l'intérieur de sa résidence, car il ne veut pas que ses enfants en sortent de peur d'un enlèvement.

Les Etats-Unis pourraient-ils en arriver là ?

Oui. Nous n'y sommes pas encore, mais il est certain que nous vivons de manière de plus en plus séparée. En outre, nous sommes dans un pays où tout le monde est libre de porter des armes. Non seulement nous vivons dans une société divisée, mais nous lui laissons à disposition tous les instruments de la violence.

 La montée des inégalités nourrit également la spéculation des plus fortunés, qui ajoute à l'instabilité. Enfin, les inégalités économiques se traduisent par des inégalités politiques, car elles donnent une plus grande influence aux plus riches.

23.10.12

Pour autant, peut-on espérer pour demain un monde sans guerre ? Sans doute pas, regrette Pierre Hassner, tant la guerre reste une donnée constante de l’histoire humaine. Mais ici et ailleurs, elle devrait prendre de nouveaux visages : mercenaires, drones et robots contre partisans, miliciens et terroristes… Karl von Clausewitz avait raison de dire que « la guerre est un caméléon ». Les couleurs du caméléon n’en ont pas fini de changer, et l’humanité reste inexorablement divisée, malgré les espoirs suscités par la gouvernance mondiale.

« La guerre fait l’État, et l’État fait la guerre », expliquait l’historien et sociologue américain Charles Tilly. Ce constat fait aujourd’hui autorité, tant il est vrai qu’au fil du millénaire médiéval, la formation des États dans l’aire occidentale, comme le montre Philippe Contamine, est étroitement liée aux conflits armés qui s’y déroulent. Plus l’État s’impose comme institution, plus les armées privées, qu’elles relèvent de monastères ou de seigneurs, cèdent le pas à des armées nationales.

Douze ans après le début de ce siècle, sommes-nous bien placés pour en deviner la suite en ce qui concerne la guerre ? L’exemple du siècle précédent n’est pas encourageant. Certes, en 1912, les nationalismes montaient, certains états-majors préparaient la guerre, et quelques auteurs prédisaient qu’elle serait funeste pour les vainqueurs comme pour les vaincus. Mais personne n’aurait pu prévoir les deux guerres mondiales, les totalitarismes, l’ère nucléaire, la guerre froide et sa fin, tandis qu’ailleurs guerres et révolutions continuaient de plus belle et entraînaient de nouveaux dangers : une grande puissance montante (la Chine) et un problème permanent, la prolifération nucléaire, se combinant avec une évolution économique, sociale et démographique génératrice de violence potentielle.

Guerre

➥ « Aux sources de la guerre », de la Préhistoire à l’an mil, s’interroge sur les premières manifestations de la conflictualité dans l’humanité. Il est montré que la guerre structure très profondément la vie des sociétés traditionnelles, mais aussi qu’elle constitue le principal facteur de changement politique et social.

➥ La deuxième partie, les « États combattants », examine le lien entre la guerre et la construction des États. L’armée, ainsi, est apparue comme une organisation qui contribue à la structuration des institutions étatiques modernes ; en retour l’État moderne s’est appuyé sur l’armée pour imposer sa souveraineté, après l’époque féodale marquée par le problème théologico-politique. Plus l’État dominait le champ militaire, moins l’Église avait de prise sur les âmes.

➥ La troisième partie, « Vers l’apocalypse ? », se focalise sur la période allant de la guerre de Sécession à la guerre froide, marquée par deux déflagrations d’ampleur mondiale. Dans les guerres totales, c’est la société tout entière qui est saisie et pour ainsi dire capturée par l’ordre militaire.

➥ Enfin, dans « Le temps des conflits asymétriques », nous nous interrogeons sur les transformations contemporaines de la guerre. Les conflits interétatiques tendent à s’effacer au profit de nouvelles formes d’affrontement qui mettent en scène d’autres acteurs : du terroriste à l’insurgé, du franc-tireur au partisan. Ces transformations révèlent des mutations sociétales de grande ampleur : l’État se voit attaqué dans sa souveraineté et sa légitimité, ce qui touche par domino l’institution militaire ; en retour, les acteurs transnationaux (groupes combattants, ONG, multinationales) entendent s’imposer dans une scène mondiale reconfigurée.

Les dimensions de la guerre

La guerre doit être donc envisagée au regard de ses multiples dimensions.

➥Dimension militaire d’abord. La guerre est un monde à part, qui engage des soldats, tantôt professionnels, tantôt « citoyens en uniforme », pour reprendre une expression chère à Raymond Aron. C’est aussi un temps à part, qui se distingue du temps diplomatique par des actes, de la déclaration à l’armistice, qui scandent son déroulement.

➥Dimension politique également. La guerre n’est pas à elle-même sa propre fin. C’est un moyen militaire mobilisé à des fins qui relèvent de l’action politique : prises ou protection d’un territoire, imposition d’une idéologie… En ce sens, elle est, selon la formule de Karl von Clausewitz, la « continuation de la politique par d’autres moyens ».

➥Dimension économique ensuite ; sur le plan économique, la guerre peut représenter l’une des conséquences de la crise ; mais il existe aussi une économie de guerre qui peut doper, plus ou moins artificiellement, la croissance. De même, la puissance économique d’un État est souvent liée à sa puissance militaire, comme ce fut le cas pour la Rome antique, l’Angleterre et les États-Unis.

➥La dimension culturelle ne doit pas être négligée. La guerre a fait l’objet de multiples représentations picturales, plastiques ou cinématographiques, du Guernica de Picasso à Apocalypse Now de Francis Ford Coppola en passant par les bustes de stratèges romains. Mais la guerre a aussi influé sur les pratiques sociales et culturelles, à tel point que certains historiens, à l’image de Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker dans 14-18. Retrouver la guerre (Gallimard, 2003), ont forgé l’expression de « culture de guerre » pour penser l’interaction entre la guerre et la société française au moment de la « Grande Guerre ». de 14-18.

➥Dimension juridique enfin. La guerre a fortement contribué à l’invention d’un droit spécifique, le droit international, qu’on oppose traditionnellement au droit s’appliquant à l’ordre interne des États. Le phénomène guerrier suscite aujourd’hui beaucoup de réflexions juridiques sur la frontière entre le militaire et l’humanitaire, la violence et l’assistance.