6.6.08

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique)

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique): "Il conteste aussi certaines tendances ou tentations qui s’affirment chaque jour avec davantage d’assurance. « Il est absurde, écrit-il par exemple, de prétendre que les citoyens de la Communauté européenne, dont le revenu par tête a augmenté de 80 % entre 1970 et 1990, ne pourraient plus en 1990 s’offrir le niveau de revenu et de protection sociale qui était admis en 1970. » Sa longue réflexion le conduit à affirmer : « Le problème majeur du monde industrialisé est moins de multiplier la richesse que de savoir comment la distribuer »en vue de mieux l’utiliser au service d’un essor renouvelé."

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique)

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique): "Massives suppressions d’emplois, appauvrissement des plus humbles et exclusions ternissent la fin de ce « siècle des extrêmes » marqué par de fantastiques progrès : la production industrielle mondiale a quadruplé en vingt ans, le rendement céréalier à l’hectare a presque doublé en trente ans, la consommation d’énergie triple aux Etats-Unis entre 1950 et 1973, le nombre de voitures particulières en Italie passe de 750 000 en 1938 à 15 millions en 1975... Tourisme de masse, afflux d’élèves dans l’enseignement, prouesses en médecine et en chirurgie, allongement de l’espérance de vie, irruption de la puce électronique et du laser dans la vie quotidienne, révolution dans les moyens de communication, dans les mœurs, dans la culture, dans la structure familiale..."

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique)

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique): "Parce qu’une démocratie ne peut fonctionner qu’avec l’assentiment du public, observe Eric Hobsbawm, c’est à l’Ouest que la propagande battit des records. Vingt ans avant que Ronald Reagan n’ait montré du doigt l’« empire du mal », John Kennedy fulminait contre l’« implacable, insatiable, incessante course [du communisme] vers la domination mondiale ». Gigantesque lutte, ajoutait-il, entre « deux idéologies conflictuelles : la liberté sous le regard de Dieu, et une impitoyable tyrannie sans Dieu ». Les enflures de l’éloquence coûtaient moins cher que la mise au point et la production de systèmes d’armes toujours plus sophistiqués."

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique)

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique): "Les voici en plein désarroi, tant « l’effondrement du socialisme soviétique » entraîne de « conséquences plutôt négatives ». Il laisse « une vaste zone d’incertitude politique, d’instabilité, de chaos et de guerre civile », et surtout il a « détruit un système international » dont la disparition « frappe de précarité des systèmes politiques nationaux qui s’appuyaient » sur la stabilité du monde bipolaire. N’étant plus contenues par la crainte d’un adversaire commun, les rivalités entre Etats démocratico-capitalistes s’exacerbent. Ce siècle, « le siècle le plus meurtrier », s’achève dans l’hésitation, sans perspective, sans projet de société, sans autre boussole qu’un éventuel gain de quelques points de croissance, dont certains feignent d’attendre d’improbables miracles."

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique)

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique): "Avec tous les engouements et toutes les frayeurs qu’elle a suscités, la révolution bolchevique offre un semblable exemple d’ironique retournement : « Le résultat le plus durable de la révolution d’Octobre, dont l’objet était le renversement du capitalisme, aura été de sauver son rival, à la fois dans la guerre et dans la paix. » D’abord dans la guerre, car « la victoire sur l’Allemagne de Hitler fut essentiellement remportée, et ne pouvait être remportée, que par l’armée rouge ». Puis dans la paix, car l’URSS a fourni au capitalisme « un stimulant, la peur, pour se réformer » par le renforcement des interventions régulatrices de l’Etat, et par le formidable développement de l’Etat-providence, chargé d’immuniser les populations contre les « séductions » communistes."

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique)

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique): "Jalonnée de séduisantes avancées et de monstrueuses plongées dans la barbarie, l’histoire serait-elle inutile aux hommes de gouvernement ? Fascinés par leur propre pouvoir à l’instant précis où ils en font usage, ils oublient les leçons du passé et prévoient rarement les conséquences de leurs choix. L’action immédiate les grise, leur voile ses effets plus lointains, de telle sorte que l’événement les prend de court. Sans cesse aux aguets, Washington sait, de science certaine, que l’« empire du mal » ne manquera pas une occasion d’abattre un bastion du « monde libre ». Mais, lorsque l’un de ces bastions essentiels s’effondre - « le renversement du chah d’Iran en 1979 [fut] l’un des plus sévères coups portés aux Etats-Unis » -, c’est sous le choc d’une révolution islamiste, et bien entendu le Kremlin n’y est pour rien.
Mais Moscou ne sut pas mieux prévoir les fatales conséquences du « ralentissement de l’économie soviétique », des scléroses de son appareil d’Etat, de tous les maux qui rongeaient le régime, et probablement ne savait-il pas que les dirigeants de ses satellites « n’avaient plus foi en leur propre système ». Son incapacité à comprendre et à réagir n’a sans doute d’égale que « la totale absence de préparation des gouvernements occidentaux au soudain effondrement » de l’Union soviétique."

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique)

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique): "Le couple capitalisme-démocratie, qui a fait merveille, serait-il indissociable ? Mais de quel capitalisme, de quelle démocratie s’agit-il ? Lorsque le premier souffre de langueur, la seconde est en péril. En 1920, rappelle Eric Hobsbawm, le monde comptait environ trente-cinq « gouvernements constitutionnellement élus ». Il en restait dix-sept en 1938, douze en 1944. La « menace contre les institutions libérales vint exclusivement de la droite politique », alors que, « entre 1945 et 1989, il sera admis, comme une chose allant de soi, qu’elle viendrait essentiellement du communisme »."

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique)

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique): "Sotte nostalgie d’une ère révolue ? Les faits parlent. Un grand basculement s’effectue au coup de tonnerre de 1914 : la guerre franco-prussienne de 1870 avait fait quelque 150 000 morts ; la première guerre mondiale, elle, mobiliserait 65 millions de soldats, dont 8,5 millions seraient tués sous des « orages d’acier » (Ernst Jünger). Prodigieux saut quantitatif, la seconde guerre mondiale jetterait dans la tourmente 92 millions de combattants et ferait, selon les estimations, de 50 à 60 millions de morts. Améliorant ses rendements, la « machine à massacrer » déployait des prouesses inouïes, pendant qu’une « étrange démocratisation de la guerre » multipliait les victimes dans les populations civiles - performance que confirmeraient les conflits à venir"

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique)

Le siècle des extrêmes, par Claude Julien (Le Monde diplomatique): "En un temps historique très court, passant du stade artisanal à une taille industrielle, l’horreur et le crime ont ainsi changé d’échelle. Aux yeux de l’historien britannique Eric Hobsbawm, un « XIXe siècle long », qui s’étend de 1789 à 1914, avait enregistré un « progrès presque continu dans l’ordre à la fois matériel, intellectuel et moral ». Lui succède un « XXe siècle court », qui s’ouvre avec le déclenchement de la première guerre mondiale pour se clore en 1991 sur l’effondrement de l’Union soviétique (1). Dans tous les domaines, il est marqué par une régression des normes jusqu’alors acceptées, par une montée aux « extrêmes » dans tous les champs de la production comme de la destruction."

3.6.08

Édition : JFK et l'impossible rupture, actualité Politique : Le Point

Édition : JFK et l'impossible rupture, actualité Politique : Le Point: "On a vécu dans cette illusion qu'après rupture l'histoire moderne s'était purgée de cette histoire ancienne. On ne génocide plus, on n'inquisitionne plus, on n'obscurantise plus, l'Histoire qui charriait tout cela était censée avoir fermé boutique, déposé son bilan, procédé à une liquidation sans même attendre l'inventaire. Dur retour sur terre"

Édition : JFK et l'impossible rupture, actualité Politique : Le Point

Édition : JFK et l'impossible rupture, actualité Politique : Le Point: "Rompre, c'est casser. Or l'évolution bloque ou s'emballe, transforme et recompose, élimine ou retient. Elle ne casse ni ne se casse. Elle ne se dissout pas."

Édition : JFK et l'impossible rupture, actualité Politique : Le Point

Édition : JFK et l'impossible rupture, actualité Politique : Le Point: "Selon la théorie de l'évolution, la structure initiale de la vie, la cellule, portait en elle la capacité de se recomposer à l'infini jusqu'à engendrer les êtres les plus complexes. Entre la bactérie et l'homme, il n'y a aucune rupture, rien qu'une continuité évolutive qui, en déclinant les mêmes processus de base, aboutit à des organismes tous différents.
Quel rapport, direz-vous, avec le choix du réformisme et le refus de la révolution ? En 370 pages, Kahn apporte la réponse. Selon lui, les sociétés et les idées suivent cette même loi de l'évolution. Elles dérivent les unes des autres et se transforment sans cesse à travers des invariants souterrains qui structurent toute l'histoire humaine."