6.1.11

L’historien Lewis Mumford (Wikipédia) décrit la naissance de la mégapole comme “la dernière étape dans le cycle classique de la civilisation”. Un avis que semble partager West : “La seule chose qui arrête les équations superlinéaires, c’est quand nous manquons de quelque chose dont nous avons besoin”. Pour éviter ce sombre avenir, nous devons recourir à l’innovation constante, comme ça a été le cas avec le moteur à vapeur ou l’internet. “Ces innovations majeures ont complètement changé la façon dont la société fonctionne. (..) C’est comme si nous étions au bord d’une falaise, sur le point de manquer de quelque chose. Puis on trouve une! nouvelle façon de créer de la richesse qui nous permet de continuer à grimper”. Les villes sont donc la seule solution au problème des villes.

Reste que notre mode de vie est devenu coûteux à entretenir : chaque nouvelle ressource que nous inventons à tendance à s’épuiser à un rythme toujours plus rapide. Ce qui signifie que le cycle d’innovations doit constamment s’accélérer, chaque percée fournissant un court répit. Le résultat est que les villes n’augmentent pas seulement le rythme de la vie, mais accélèrent le rythme auquel la vie change. “C’est comme être sur un tapis de course qui ne cesserait d’aller de plus en plus vite. (…) Nous avons utilisé la ville pour obtenir des révolutions tous les milliers d’années. Puis, il nous a fallu un siècle pour aller de la machine à vapeur au moteur à combustion. Maintenant, les grandes innovations se succèdent tous les 15! ans. Ce qui signifie que, pour la première fois, les gens vivent des révolutions multiples. Et tout cela vient des villes. Une fois que nous avons commencé à nous urbaniser, nous nous mettons sur ce tapis roulant. Nous avons troqué la stabilité contre la croissance. Et la croissance requiert le changement.”

Bien sûr ces règles générales, ces ordres de croissance, ces rapports d’échelles peuvent être aggravés ou réduits par des politiques spécifiques. Mais ce que montrent ces modèles selon West, c’est que les villes sont les plus importantes inventions dans l’histoire humaine. Elles sont l’idée qui a permis le développement de notre potentiel économique et qui a déclenché notre ingéniosité.“Lorque nous avons commencé à vivre dans les villes, nous avons fait quelque chose qui ne s’était jamais produit auparavant dans l’histoire. Nous avons rompu avec les équations de la biologie, qui sont sous-linéaires. Chaque créature devenant plus lente à mesure qu’elle grossit. Avec les villes, la croissance est superlinéaire! . Plus les villes deviennent grandes plus ça s’accélère. L’équation urbaine prédit un monde où la consommation de ressource ne cesse d’augmenter, l’expansion des villes carburant à l’expansion économique. En fait, la consommation sociale conduit le processus d’urbanisation (notre désir collectif d’iPad, de Frappucinos et toutes ces choses à la mode), bien plus que les avantages écologiques du transport en commun local.”

West illustre le problème autrement. “Un homme au repos fonctionne sur 90 watts. C’est la puissance dont vous avez besoin pour vous coucher. Si vous êtes chasseur-cueilleur en Amazonie, vous aurez besoin d’environ 250 watts pour courir et trouver votre nourriture. Quelle est la quantité d’énergie dont notre mode de vie américain a besoin ? Eh bien, quand on additionne nos calories et l’énergie nécessaire pour alimenter notre ordinateur et l’air conditionné, on constate qu’on a besoin de quelque 11 000 watts ! Quel type d’animal a besoin d’11 000 watts pour vivre ? Nous avons créé un style de vie où nous avons besoin de plus de watts que la baleine bleue. Nous avons besoin de plus d’énergie que le plus gros animal qui n’ait jamais existé sur terre.”