29.12.11

Edgar Morin 

Le philosophe Jean-Pierre Dupuy estime que de la catastrophe naît la solution. Partagez-vous son analyse ?

Il n’est pas assez dialectique. Il nous dit que la catastrophe est inévitable mais qu’elle constitue la seule façon de savoir qu’on pourrait l’éviter. Moi je dis : la catastrophe est probable, mais il y a l’improbabilité. J’entends par « probable », que pour nous observateurs, dans le temps où nous sommes et dans les lieux où nous sommes, avec les meilleures informations disponibles, nous voyons que le cours des choses nous emmène à toute vitesse vers les catastrophes. Or, nous savons que c’est toujours l’improbable qui a surgi et qui a « fait » la transformation. Bouddha était improbable, Jésus était improbable, Mahomet, la science moderne avec Descartes, Pierre Gassendi, Francis Bacon ou Galilée était improbables, le socialisme avec Marx ou Proudhon était improbable, le capitalisme était improbable au Moyen-Age… Regardez Athènes. Cinq siècles avant notre ère, vous avez une petite cité grecque qui fait face à un empire gigantesque, la Perse. Et à deux reprises – bien que détruite la seconde fois – Athènes parvient à chasser ces Perses grâce au coup de génie du stratège Thémistocle, à Salamine. Grâce à cette improbabilité incroyable est née la démocratie, qui a pu féconder toute l’histoire future, puis la philosophie. Alors, si vous voulez, je peux aller aux mêmes conclusions que Jean-Pierre Dupuy, mais ma façon d’y aller est tout à fait différente. Car aujourd’hui existent des forces de résistance qui sont dispersées, qui sont nichées dans la société civile et qui ne se connaissent pas les unes les autres. Mais je crois au jour où ces forces se rassembleront, en faisceaux. Tout commence par une déviance, qui se transforme en tendance, qui devient une force historique. Nous n’en sommes pas encore là, certes, mais c’est possible.

28.12.11

Alors que les Occidentaux ont entamé ce processus de décrédibilisation et que la Chine n’a pas encore atteint une puissance suffisamment significative pour représenter une réelle alternative, le monde est peut-être entré dans ce que le commentateur américain Ian Bremer a désigné sous le terme de « G-0 »[8] [8] « A G-Zero World, The New Economic Club Will Produce...
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, une société internationale sans leader et privée de système fonctionnel de gouvernance. Cette vacance de la puissance n’est en rien le fait de la Chine mais elle est bien la conséquence d’une politique occidentale qui n’a cessé de fouler aux pieds les valeurs qu’elle entendait faire respecter par les autres nations[9] [9] Le commencement d’un monde…, op. cit.  ; L’Occi-dent...
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. L’émergence de la Chine dans un tel contexte est-elle une menace pour l’ordre international ou bien l’opportunité d’une approche nouvelle des relations internationales ? 

Le concept de « menace chinoise » semble avoir perdu de son sens face à un constat simple : nul ne peut aujourd’hui se passer de la Chine. Elle est désormais le 1er créancier étranger des États-Unis devant le Japon avec près de 1 200 milliards de dollars de Bons du Trésor, elle est en passe de devenir le principal pourvoyeur d’aide au développement, elle est courtisée par les Européens qui tentent à tout prix de sauver leur monnaie et de sauver certains États membres de la faillite, elle absorbe à un rythme de croissance impressionnant les exportations américaines. Dans les faits, la Chine est devenue, au même titre que les États-Unis et l’Europe, productrice de gouvernance mondiale car ses décisions ont un impact mondial, ce qui n’est le cas ni de l’Inde, du Brésil ou de la Russie. Les dérives impériales accentuées des États-Unis, rejoints par les Européens avec l’intervention en Libye, ont progressivement entamé l’idée d’une « communauté de valeurs » qu’ils auraient incarnée. Avec la guerre de Libye et les dérives qui ont rapidement suivi l’adoption de la Résolution 1973 du Conseil de Sécurité, l’évidence du double standard et du mensonge érigé en règle de politique extérieure, au même titre que Washington lors de la guerre d’Irak, a décrédibilisé non pas réellement les valeurs universelles auxquelles ne cessent de se référer les Occidentaux, mais l’idée qu’ils en seraient les uniques représentants. 

25.12.11

L'évolution naturelle de la vie vers toujours plus de complexité et d'intelligence .