29.3.13

LA PROSPECTIVE : UNE PRATIQUE À REDÉCOUVRIR

http://www.millenaire3.com/La-prospective-une-pratique-a-redecouvrir.1360.0.html

Tout le monde sait comment les robots remplacent les humains dans les usines… Mais les travailleurs de la connaissance eux, sont de plus en plus remplacés par des logiciels. Entre 2000 et 2010, 1,1 millions d’emplois de secrétaires ont été éliminés, remplacées par des services internet. Les 2/3 de 7,6 millions d’emplois de la connaissance ont été victimes de la technologie, rapporte Martin Goos de l’université de Louvain. Pour Brynjolfsson, la technologie ne cesse de favoriser les travailleurs les plus qualifiés par rapport aux moins instruits. Pour Mark Anderseen, la diffusion des ordinateurs va ranger les emplois en 2 catégories : les gens qui disent à l’ordinateur quoi faire et ceux à qui les ordinateurs vont dire quoi faire, comme les manutentionnaires dans les entrepôts d’Amazon.

. Les trois erreurs de la prédiction – Philippe Silberzahn
Philippe Silberzahn a relu le rapport Thery remis à Edouard Balladur en 1994 sur les autoroutes de l’information. A le lire, le rapport minimise le rôle qu’allait pouvoir jouer l’internet dans l’avenir des autoroutes de l’information. Comment des experts peuvent-ils commettre de telles bévues, s’interroge Philippe Silberzahn. Les raisons :
- l’extrapolation : on étend à long terme une tendance initiale sans voir son évolution possible.
- toute chose égales : ne pas prendre en compte la dynamique à l’oeuvre.
- Etre victime du biais identitaire : l’absence d’annuaire dans l’internet paraît aux experts un biais rédhibitoire (car le Minitel, dont Thery est l’inventeur en a), tout comme la sécurité…

Certes, reconnaît Thompson, les machines peuvent prendre des décisions et cela ne signifie pas qu’elles ont raison. Prenez le scénario proposé par le neuroscientifique Gary Marcus sur les dilemmes éthiques posés par l’arrivée prochaine de la voiture autonome. Votre voiture roule sur un pont étroit quand déboule un bus scolaire face à vous. Votre voiture autonome va-t-elle décider de sacrifier votre vie ou celle des enfants ? Est-ce l’algorithme de la voiture autonome qui va prendre la décision à votre place ? Serez-vous d’accord avec le choix qu’elle fait ?

Non seulement nos outils guident et façonnent de plus en plus nos comportements, mais demain ils risquent de prendre de plus en plus de décisions à notre place, rappelle Thompson. Le risque n’est-il pas de nous dépouiller des moments de délibération où nous réfléchissons à la moralité de nos actions ? (pour autant que dans cet exemple, nous ayons le temps d’y penser : le risque le plus certain dans cet exemple, est que nous nous encastrions dans le bus, pas que nous décidions vertueusement de jeter notre voiture du pont pour laisser la vie aux enfants…).

Après être revenu sur trois affaires récentes d’arrestation et d’identification via l’internet, Schneier assène : “internet est un état de surveillance. Que nous l’admettions ou non, et que cela nous plaise ou non, nous sommes traqués en permanence.”

“Tout ce que nous faisons aujourd’hui implique l’usage d’un ordinateur, et les ordinateurs ont comme effet secondaire de produire naturellement des données. Tout est enregistré et croisé, et de nombreuses entreprises de big data font des affaires en reconstituant les profils de notre vie privée à partir de sources variées.” Nous avons beau tenter de nous en prémunir, “il y a simplement trop de façons d’être pisté”, admet Schneier. L’ampleur même de l’espionnage dont nous sommes victimes nous est délibérément cachée et les alternatives n’existent pas. La libre concurrence ne peut pas réparer cet internet, car tous ceux qui nous fournissent des services internet ont intérêt à nous pister. Quoi que vous fassiez, “conserver sa vie priv&eacut! e;e sur l’internet est désormais presque impossible”, confesse Schneier. Et l’expert en sécurité de dénoncer la collusion entre entreprises et gouvernements : personne n’agit réellement pour mettre en place de meilleures lois pour protéger notre vie privée.

“Bienvenue dans un monde où tout ce que vous faites sur un ordinateur est enregistré, corrélé, étudié, passé au crible de société en société sans que vous le sachiez ou ayez consenti, où le gouvernement y a accès à volonté sans mandat.

Bienvenue dans un Internet sans vie privée, et nous y sommes arrivés avec notre consentement passif sans véritablement livrer une seule bataille…”

28.3.13

Le nationalisme internet

Dans une tribune à la Technology Review, Schneier revient sur la montée de ce qu’il appelle le “nationalisme internet”. Alors que la technologie était censée ignorer les frontières, rapprocher le monde et contourner l’influence des gouvernements nationaux, voilà qu’elle favorise un nouveau nationalisme. Les Etats-Unis s’inquiètent du matériel provenant de Chine, les entreprises européennes s’inquiètent des services d’informatique dans les nuages américains, personne n’a très confiance dans le matériel israélien et la Russie et la Chine développent leurs propres systèmes d’exploitation pour éviter d’utiliser du matériel et logiciel étranger…

“Les grandes nations du monde sont entrées dans les premières années d’une course à la cyberguerre, et nous allons tous être blessés par les dommages collatéraux.”

Le cyberespionnage et les cyberattaques ne sont pas que chinois. Tout le monde cherche désormais à espionner tout le monde, via les réseaux.

“Dans le même temps, de plus en plus de pays mettent en place un contrôle de l’internet à l’intérieur de leurs propres frontières. Ils se réservent le droit d’espionner, de censurer, de limiter la capacité des autres à faire de même.” C’est ce qu’on appelle – d’un euphémisme – “le mouvement pour la cybersouveraineté”… qui a connu un sommet à la dernière réunion de l’Union internationale des télécommunications qui se déroulait en décembre 2012 à Dubaï. Un analyste a appelé ce sommet le Yalta de l’internet, le moment où l’internet s’est coupé entre les pays démocratiques et les pays autoritaires. “Je ne pense pas qu’il exag! érait”, confie Schneier.

Les technologies de l’information sont un outil étonnamment puissant pour l’oppression, la surveillance, la censure et la propagande, rappelle l’expert. “Le problème est que plus nous croyons que nous sommes en guerre, plus nous donnons du crédit aux rhétoriques chauvines, et plus nous sommes prêts à offrir notre vie privée, nos libertés et le contrôle de l’internet à d’autres.”

La course aux armements est alimentée par l’ignorance et la peur et se traduit par l’escalade du développement de cyberarmes pour l’attaque et plus de cybersurveillance pour la défense. Le danger est bien là. Il risque d’avoir pour conséquence de déplacer le contrôle gouvernemental jusqu’aux protocoles de l’internet, quand bien même cela réduirait l’innovation née de la libre concurrence sur le réseau.

“Sommes-nous sur le point d’entrer dans une Guerre froide de l’information ?”, interroge Schneier.“Ce qui est sûr, c’est que ceux qui battent les tambours de la cyberguerre ne proposent pas de défendre les meilleurs intérêts de l’internet ou de la société” conclue Schneier, en appelant à ne pas laisser la dangereuse propagande de la cyberguerre prendre le dessus.

“Toutes les technologies de rupture bouleversent les équilibres de pouvoir traditionnels, et l’Internet ne fait pas exception. Le scénario classique est qu’il donne du pouvoir aux moins puissants, mais ce n’est que la moitié de l’histoire. L’internet donne de la puissance à tous. Les institutions puissantes peuvent être lentes à faire usage de ce nouveau pouvoir, mais, comme elles sont puissantes, elles peuvent l’utiliser plus efficacement. Gouvernements et entreprises ont pris conscience du fait que non seulement ils peuvent utiliser l’internet, mais qu’ils peuvent aussi y contrôler leurs intérêts.”

http://www.internetactu.net/2013/03/19/la-technique-est-elle-responsable-de-lacceleration-du-monde/

 

“Le rêve de la modernité c’est que la technique nous permette d’acquérir la richesse temporelle. L’idée qui la sous-tend est que l’accélération technique nous permette de faire plus de choses par unité de temps.” Et c’est bien ce que la technique a permis, souligne Rosa, en pointant du doigt la rapidité introduite par la technique. Les voitures roulent de plus en plus vite, nous permettant dans le même laps de temps d’aller toujours plus loin. Grâce à la technique, nous avons copié les connaissances de plus en plus rapidement : avant l’imprimerie, il fallait copier un livre à la main, puis la technologie nous a permis de l’imprimer, puis de le photocopier, et désormais de les télécharger via l’internet. Les ordinateurs eux-mêmes n’ont cessé d’augmenter leurs performances, c’est-à-dire le nombre d’opérations qu’ils savent accomplir par unité de temps.

“La conséquence de cette accélération technologique c’est qu’on a besoin de moins en moins de temps pour réaliser une tâche, une activité précise. La quantité de ressources temporelles libres croit. Pour faire 10 km ou recopier un livre ou produire une image, nous avons besoin de beaucoup moins de temps que nos ancêtres.”

Pourquoi n’avons-nous pas plus de temps libre ?

Nous devrions donc avoir plus de temps libre que jamais, puisque nous avons besoin de moins de temps pour faire les choses, en conclut le philosophe. En 1964, le magazine Life ne s’inquiétait-il pas déjà, légitimement, que le plus important problème de société auquel nous serions confrontés demain serait de savoir ce que nous ferions de ce temps libre…

Pourtant, ce n’est pas ce qu’il s’est passé. La prédiction ne s’est pas réalisée. Nous ne disposons pas de plus de temps : nous en avons toujours trop peu. Nous vivons dans une pénurie de temps, une “famine temporelle”, comme la décrivait en 1999 les sociologues américains John Robinson et Geoffrey Godbey dans Time for Life : The Surprising Ways Americans Use Their Time.

“Toutes les sociétés modernes sont caractérisées par une pénurie de temps : plus une société est moderne, moins elle a de temps”. Ce n’est pas le pétrole qui nous manquera un jour, mais bien plutôt le temps, ironise le philosophe. Plus on économise le temps et moins on vit.

Comment expliquer cela ? D’où est-ce que ça vient ? Un économiste suédois a proposé un axiome : la richesse du temps est inversement proportionnelle à la richesse matérielle. “Plus on est riche matériellement, plus on devient pauvre en ressource temporelle. Il applique cela à toutes les cultures du monde” : plus les sociétés sont riches, plus les gens sont stressés. Dans les cultures les moins développées, les gens sont pauvres en bien matériel, mais ils ont du temps. Avec la modernisation, l’enrichissement matériel de la société, l’allure des gens devient plus rapide. Un chercheur américain a constaté que plus la société est riche, plus les gens se déplacent rapidement. Cette différence se retrouve aussi dans les groupes sociaux : plus un groupe social est riche, plus il va ressentir la pénurie de temps. Et cet axiome s’applique également aux individus, où on trouve un lien entre le statut économique des individus et le manque de temps.....

“Le Cyberpesace n’est plus l’espace indépendant des cyber-libertariens ; il est aujourd’hui un domaine militaire. Et quand un lieu comme l’internet se militarise, la culture de la vie privée, de l’anonymat et de la liberté d’expression entre inévitablement en conflit avec les priorités militaires de la sécurité et du protocole.” Bien sûr, il y a des débats sur la forme que devrait prendre la cyber-sécurité pour être efficace, et notamment pour savoir s’il est légitime qu’elle porte atteinte aux libertés individuelles. Mais les signes qu’on observe, aux Etats-Unis, ne sont pas rassurants. Ainsi l’auteure de conclure : “Il y a près de 365 ans, une ce! ntaine de princes et de diplomates mirent ensemble fin à la guerre et, dans ce processus, créèrent les frontières. L’internet a fait tomber ces frontières en avançant la cause des droits fondamentaux, de la liberté d’expression, de l’humanité dans toute sa splendeur désordonnée. Aujourd’hui, pour étouffer la dissidence politique et au nom de la défense de la sécurité nationale, les états reconstruisent ces frontières – et en faisant cela, ils ramènent internet vers l’Histoire ancienne.”


. Allons-nous vers la fin de l’indépendance du cyberespace ? 
Dans ArticlesDroits numériquesGouvernanceGouvernance de l'internetnetwarpdltpolitiques publiques, par , le 11/03/13, 3 commentaires, 1,395 lectures, Impression.

La lecture de la semaine provient du magazine américain Foreign Policy (@foreignpolicy), on la doit à Katherine Maher (@krmaher), directrice de la stratégie d’Access (@accessnow), une organisation de défense de droits numériques des citoyens, et elle s’intitule : “Le Web néo-westphalien”.

“Il y a près de 365 ans, commence l’article, une centaine de diplomates et de princes se rendirent dans les villes de Munster et Osnabrück, aujourd’hui situées dans le nord-ouest de l’Allemagne. Ils y signèrent un ensemble de traités qui devinrent la base de notre monde moderne : les traités de Westphalie. Grâce à ces dignitaires, notre souveraineté est territoriale : des États-nations délimités par des frontières. Pendant les siècles qui ont suivi, la souveraineté westphalienne a été le principe ordonnateur de nos sociétés. Des empires sont nés et morts, des pays ont apparu et disparu. Les états les plus heureux ont établi des monopoles intérieurs sur l’information et les ressources, et exercent un pouvoir discr&! eacute;tionnaire sur les marchandises, les idées, l’argent et les gens qui traversent leurs frontières.

Mais il y a 30 ans, l’humanité a donné naissance à l’une des forces les plus disruptives de notre époque. Le 1er janvier 1983, l’implémentation de TCP/IP – un protocole standard permettant aux ordinateurs d’échanger des données sur un réseau – a transformé de discrets cercles de chercheurs en un phénomène global.”

A ses débuts, “l’internet était sauvage et confus, inconnu et non régulé. Clairement, il s’agissait d’un lieu, mais un lieu sans indicateurs culturels familiers, un espace au-delà des frontières de la géographie ou de l’identité. Il méritait qu’on lui donne un nom : le cyberespace.”

Comme cela se passe toujours, explique Maher, les premiers habitants du cyberespace se sont déclarés indépendant – cf. la très célèbre “Déclaration d’Indépendance du Cyberpesace” de John Perry Barlow datant de 1996 où est affirmé un au-delà des frontières et des états existants, un au-delà rejetant les règles de l’univers physique. “Vous n’avez aucune souveraineté sur nous… le Cyberespace déborde de vos frontières.” Voilà comment TCP/IP a défait le travail de 100 princes et diplomates du 17e siècle.

“Barlow avait en partie raison, poursuit Katherine Maher. L’indépendance était structurelle au cyberespace, et la liberté d’expression et de communication étaient entretenues dans le réseau. Les standards et les protocoles qui sont à la base de l’internet sont agnostiques : ils s’en fichent que vous soyez à Bangkok, à Buenos Aires ou ailleurs. S’ils font face à une tentative de blocage du trafic, ils le redirigent le long d’un réseau apparemment infini de nœuds décentralisés, ce qui a inspiré à John Gilmore la maxime suivante : “Le Net interprète la censure comme un dommage et la contourne”. A la différence que presque toute autre ressource globale apparut dans l’Histoire, l’internet a d’abord largement échappé à la régulation étatique. Depuis le d&ea! cute;but, il était dirigé non pas par les gouvernements, mais par une coalition ad hoc de bénévoles et de groupes provenant de la société civile, composés d’ingénieurs, de chercheurs, et de geeks passionnés. Les législateurs et les politiciens avaient beau jeu de fustiger l’anarchie du cyberespace, de déplorer la décadence morale issue du porno et du téléchargement ; en fait, ils désespéraient de leur incapacité à légiférer dans un lieu sans géographie.”

“C’est précisément cette indépendance structurelle qui a transformé l’internet de simple outil de communication en un forum ouvert où le monde entier partage des informations.” Ce qu’il est devenu en quelques années, et ce dont les Etats se sont évidemment aperçus.

“En réponse, les gouvernements du monde entier ont commencé à affirmer leur volonté de contrôle, en cherchant à dépecer l’internet mondial, à le gérer à l’échelle nationale et à imposer une souveraineté westphalienne au Web indomptable. Ce n’est pas une tendance entièrement neuve. La Grande Muraille numérique de Chine est presque aussi vieille que l’Internet. Mais cette tendance se répand et prend de nouvelles formes.”